Published by Sherry Cooper
La Banque du Canada maintient les taux tels quels pour sa deuxième réunion de suite – Mais deux nouvelles réductions de taux sont probables cette année.
La Banque du Canada maintient les taux tels quels pour sa deuxième réunion de suite, alors que le PIB du T1 était étonnamment fort et qu’il reste un risque d’inflation liée aux tarifs douaniers.
Comme prévu, la Banque du Canada a laissé son taux directeur inchangé à 2,75 % lors de sa réunion d’aujourd’hui. C’est la deuxième fois de suite qu’elle le fait, après avoir décrété sept réductions dans la dernière année. Le Conseil de direction a noté que le caractère imprévisible de l’ampleur et de la durée des tarifs douaniers pose des risques de baisse de la croissance et de hausse des attentes d’inflation. Cela étant, la prudence s’impose quant à la poursuite de l’assouplissement monétaire.
L’écart entre les 2,75 % du taux directeur au Canada et les 4,25 à 4,50 % du taux américain prend des proportions historiques. Une autre cause d’incertitude est la politique budgétaire face aux défis économiques d’aujourd’hui. Si le « Big Beautiful Bill » qu’étudie actuellement le Sénat survit, le déficit budgétaire des États-Unis atteindra des sommets inédits. Le Congressional Budget Office estime que le projet de loi ajouterait quelque 4000 milliards de dollars américains au déficit déjà vertigineux du gouvernement fédéral. Dans cette perspective, les rendements des obligations à plus long terme ont grimpé jusqu’à présent cette année, raidissant la courbe de rendement.
L’incertitude reste grande, et le président américain vient de doubler les droits de douane sur l’acier et l’aluminium à 50 %, ce qui pourrait paralyser les exportations canadiennes de ces métaux aux États-Unis. La semaine passée, les données du PIB au premier trimestre indiquant une croissance annualisée de 2,2 % étaient meilleures que prévu, par suite d’un essor des exportations et d’une augmentation des stocks visant à devancer la hausse des tarifs douaniers. La demande intérieure finale au Canada était stable. Des données plus récentes ont révélé une importante faiblesse, surtout dans les marchés du travail et du logement. Les dépenses de consommation ont aussi nettement ralenti.
« L’extrême turbulence observée sur les marchés financiers en avril s’est modérée, et les pertes affichées sur les bourses ont été récupérées, a noté le gouverneur de la Banque du Canada Tiff Macklem aujourd’hui en conférence de presse. Cependant, l’issue des négociations commerciales est très incertaine. Les taux tarifaires se situent bien au-dessus des niveaux du début de 2025, et il y a encore des menaces de nouvelles mesures commerciales. Les hausses tarifaires supplémentaires imposées récemment par les États-Unis sur l’acier et l’aluminium mettent en évidence l’imprévisibilité de la politique commerciale américaine. »
Jusqu’ici, l’économie américaine s’est montrée résiliente. Les entreprises ayant agi en anticipation de l’entrée en vigueur des droits de douane, les importations aux États-Unis ont été fortes, ce qui a pesé sur le produit intérieur brut du pays au premier trimestre. Mais la demande intérieure est demeurée relativement élevée. Des premiers indicateurs pour le deuxième trimestre laissent entrevoir un rebond de la croissance, du fait que les importations redescendent et que la demande intérieure continue d’augmenter.
Les importations américaines élevées ont profité au Canada, entraînant une hausse de ses exportations. Cela a stimulé la croissance du PIB canadien au premier trimestre, qui s’est établie à 2,2 % – soit un taux légèrement plus élevé que ne l’anticipait la Banque.
Le marché du travail s’est affaibli, les pertes d’emploi étant concentrées dans les secteurs axés sur le commerce extérieur. Le taux de chômage est monté à 6,9 % en avril. Jusqu’à présent, l’emploi a tenu le coup dans les secteurs qui dépendent moins des exportations. Toutefois, les entreprises disent généralement à la banque centrale qu’elles prévoient réduire leurs embauches.
L’activité économique ayant profité du devancement des exportations et de l’accumulation de stocks au premier trimestre, elle devrait être beaucoup plus faible au deuxième trimestre. Face aux droits de douane américains et à l’incertitude accrue, il y a eu une certaine résilience du côté des dépenses des familles et des entreprises canadiennes. Mais celles-ci resteront probablement prudentes, ce qui laisse présager que les dépenses intérieures resteront modestes.
Abstraction faite des taxes, l’inflation est passée de 2,1 % en mars à 2,3 % en avril, ce qui est légèrement plus que la Banque ne l’avait prévu. Les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque, ainsi que d’autres mesures de l’inflation sous-jacente, ont augmenté en avril. Bien que l’inflation montre une certaine volatilité inhabituelle, ces mesures semblent indiquer que l’inflation sous-jacente pourrait être plus forte que nous le pensions. La hausse de l’inflation fondamentale s’explique en partie par la montée des prix des biens, y compris des aliments, et pourrait refléter les effets des perturbations commerciales. Beaucoup d’entreprises disent qu’elles font déjà face à des coûts plus élevés du fait qu’elles doivent trouver de nouveaux fournisseurs et de nouveaux marchés. La Banque surveillera de près les mesures de l’inflation sous-jacente pour analyser l’évolution des pressions inflationnistes.
La Banque suit aussi attentivement les attentes d’inflation. En avril, nous avions rapporté que les consommateurs et les entreprises s’attendaient à une hausse des prix en raison des droits de douane, tandis que les attentes d’inflation à long terme demeuraient bien ancrées. De récentes enquêtes indiquent encore que les consommateurs se préparent à une montée des prix et que de nombreuses entreprises ont l’intention de répercuter sur leurs clients les coûts liés aux droits de douane.
Le Conseil de direction va continuer d’analyser l’évolution et la force des pressions sur l’inflation – celles à la baisse dues à l’affaiblissement de l’économie et celles à la hausse découlant de la montée des coûts.
Pour cette décision, il y avait un consensus pour laisser le taux directeur inchangé en attendant d’amasser plus d’information. La Banque du Canada a aussi discuté de la trajectoire future du taux directeur. À ce sujet, les opinions étaient plus partagées. Dans l’ensemble, les membres du Conseil étaient d’avis qu’il pourrait être nécessaire de baisser le taux directeur si les droits de douane américains et l’incertitude font ralentir l’économie et si les pressions sur l’inflation découlant des coûts sont maîtrisées.
En somme
Nous prévoyons que l’économie canadienne connaîtra un léger recul (-0,5 %) au T2 et au T3, ramenant la croissance pour l’année à 1,2 %, une fraction de plus que selon la récente prévision de l’OCDE pour le Canada. Le Conseil de direction de la Banque du Canada prendra sa prochaine décision le 30 juillet, ce qui laissera le temps d’évaluer les tendances sous-jacentes de l’inflation et l’effet des tarifs douaniers sur l’activité économique.
Il y aura deux relevés de l’IPC et deux rapports sur l’emploi d’ici la prochaine réunion de la Banque. Si l’inflation ralentit les mois prochains et si l’économie ralentit aux T2 et T3 comme on s’y attend largement, la Banque réduira probablement le taux d’intérêt encore deux fois cette année, le ramenant à 2,25 %.